Décembre 2014, sédentaires mais toujours en voyage

Le jour se lève et la pluie tombe encore sur Whistler comme si quelqu'un là-haut nous jetait dessus de grands seaux bien remplis... Ce que l'on a souvent en tête au sujet de Whistler, ce sont de fantastiques images de montagnes recouvertes d'une neige légère. Finalement, nous découvrons ici une grosse chape de plomb nuageuse et des précipitations bien généreuses en eau sous sa forme liquide. Jusqu'à maintenant nous vivions au rythme de la route. Aujourd'hui, nous vivons au rythme du temps qu'il fait et de la lumière du jour. Il ne nous est pas rare de manquer le repas du midi lorsque l'on a les skis au pied. Le diner ici sonne à 17 heures au Canada et ce n'est pas désagréable de manger tôt en cette période hivernale, dès que l'on rentre de notre journée de travail.

Cette pause sur notre route fait partie du voyage aussi et nous permet de découvrir un peu plus en profondeur un joli coin des Rocheuses Canadiennes. Nous vivons dans un cadre de vie bien différent de ce que l'on connaissait jusqu'à maintenant en étant sur les routes et au cœur de la nature. Nous voyons déjà beaucoup moins d'animaux même s'ils sont bien présents autour de nous. Depuis que nous sommes arrivés, deux ours noirs ont déjà été tués dans les quartiers de Whistler, après avoir été habitués à manger dans les poubelles. Nous sommes dans les Rocheuses mais avant tout, nous sommes dans une station de ski où la cohabitation entre l'homme et la nature n'est pas une évidence. 

Découvrez ici notre album de Whistler
Ici, c'est à travers les rencontres que nous faisons que nous voyageons toujours. Nous sommes toujours au Canada mais dans notre parcours d’intégration à la vie "whistlérienne", nous avons été amenés à faire la connaissance de personnes de nombreux horizons. Les accords au sein du Commonwealth ont fait de Whistler une terre d'accueil pour les australiens en particulier mais aussi pour les anglais, les néo-zélandais... Mais il existe aussi ici une importante communauté de personnes en provenance des pays de l'Est de l'Europe ou du Japon. La première question qui est posée à chacun lors qu'un contact s'initie est d'ailleurs "D'où viens-tu ?"...

Finalement, personne n'est vraiment d'ici et il y règne une drôle d'atmosphère en général. C'est l'ambiance d'un gros village où tout le monde est "friendly". Tout le monde semble avoir le sourire le matin au réveil, content d'être là, tout le monde semble courtois, toujours poli... Lorsque les touristes commencent à affluer et que les files d'attente grossissent au bas des remontées mécaniques, personne n'essaye de doubler, personne ne râle. Les écarts sur les pistes n'existent pas et tout reste en ordre, bien correctement... Ce qui fait de Whistler la station de ski numéro une en Amérique du Nord est, en particulier, le service rendu aux clients d'une qualité exceptionnelle. Tout est parfait en surface, mais derrière le masque, qu'en est-il ? Difficile à dire... Heureusement, nous savourons de très bons moments vrais, en petit comité, avec une argentine et son homme, chilien, avec un écossais et sa blonde, française elle aussi. 

Et pourquoi ne pas goûter un cassoulet "Made in Canada" ?

La deuxième question qui nous est posée et qui fait que certains en restent là dans la prise de contact c'est : "Tu fais du ski ou du snow ?". La discussion peut s'arrêter là malheureusement. Les puristes d'un bord ou de l'autre peuvent s'en aller lorsque tu ne donnes pas la réponse qu'ils attendent mais ce n'est pas grave, il n'est pas difficile de trouver dans la journée une autre personne avec qui discuter de l'état de la neige. Alexandre connaissait la vie en station de ski lorsqu'il travaillait comme pisteur les dernières années. Moi je découvre cette vie où tout le monde peut embarquer dans les remontées  pour descendre quelques pistes lors d'une pause dans sa journée de travail, comme s'il prenait simplement un café... Le ski, la neige, mais aussi la pluie et le froid, sont dans toutes les discussions, à n'importe quel moment de la journée. Et il est vrai qu'il nous tardait aussi notre première sortie, une sacrée expérience après ces 3 années d’abstinence presque complète de foulage de neige. 

Ici Alex nage dans la neige !

Petit à petit, nous nous familiarisons avec nos jobs, nous sommes aussi là pour ça. Alexandre rencontre ses collègues, son emploi du temps s'organise avec des journées de formation préliminaire avant de photographier les clients en condition... Mes trois semaines de formation en massage m'ont bien préparée à travailler. Malheureusement comme la neige manque encore, les clients ne sont pas rendez-vous et mes doigts s'impatientent un peu de ne pas être en exercice.  Alors, nous avons un peu de temps pour faire du tri dans nos photos, les vidéos que nous avons pu faire au cours de ces six derniers mois sur les routes. Et nous en profitons pour expérimenter quelques montages lors des jours de grande pluie !

http://youtu.be/uUgkvia3PiE

En attendant la neige fraîche et poudreuse, nous vous souhaitons à tous de très bonnes fêtes de fin d'année ! 

De notre côté, nous travaillerons sûrement mais n'oublierons pas de fêter Noël avec nos amis d'Amérique du Sud qui ont pour habitude de faire un gros barbecue ! Et oui, Noël dans l'Hémisphère Sud se vit sous un doux soleil ! 

A l'année prochaine, Rendez-Vous en 2015 ! 

Novembre 2014, vers la Colombie Britannique, notre terre d'accueil pour cet hiver


Après avoir déposé mes parents à l'aéroport d'Anchorage où la suite de leur voyage allait les mener au Québec, le travail nous attend dans notre point internet privilégié que les voyageurs connaissent bien : le Mac Donalds. Une fois le site mis à jour, l'article fraîchement écrit et les photos diffusées, nous faisons alors le constat que nous n'avons plus de rendez-vous ni d'impératif... Une question, que nous ne nous posions plus depuis longtemps, nous vient alors à l'esprit : qu'allons-nous faire maintenant ? 


L'hiver approche et vient nous rappeler que nous comptions bien nous mettre au chaud quelque part au Canada. Comme prévu, nous quittons alors les Etats-Unis. Nous sommes très fiers de demander notre tampon d'Alaska au petit poste de douaniers américains. Ils y vivent une certaine solitude sur la Alaska Highway où l'on n'entend plus que le silence de la neige tomber... En tout cas pour nous, qui dit se mettre au chaud dit logement... Qui dit logement dit finances... Et qui dit finances dit travail. Et dans la foulée, quelques kilomètres plus loin, nous rencontrons les douaniers canadiens pour faire valoir le Visa Vacances Travail que nous avons réussi à obtenir tous les deux. 23 Octobre 2015 devient notre prochaine date butoir, à savoir que nous avons l'autorisation de voyager et travailler au Canada jusqu'à cette date-là ! Le bonheur ! 

Rentrer au Canada ne nous empêche pas de ressortir du territoire pour deux jours. Il ne faut pas oublier que les terres alaskiennes descendent le long de la côte du Pacifique jusqu'au milieu de la Colombie Britannique. Ce bref retour en Alaska nous amène jusqu'à Haines où nous tombons sous le charme : un petit air des villages des côtes norvégiennes et la nature, toujours aussi belle et sauvage. Ce lieu est réputé pour voir arriver au mois de novembre des milliers de pygargues à tête blanche... et des centaines de photographes ! Nous ne sommes qu'en octobre, mais déjà la Chilkat River, dont les eaux grouillent de saumons, abritent ces aigles, emblèmes des Etats-Unis. Ici, ils sont partout : dans les arbres, sur les plages de galets... Difficile de les manquer quand on peut repérer de loin leur fameuse tête blanche. Puis, dans ce petit coin de paradis, tout le monde pêche ensemble. Les aigles sont là mais les grizzlis, les phoques et les hommes sont au rendez-vous pour "cueillir" la richesse de ces eaux. 



Nous ne nous y attarderons pas toutefois car des formalités nous attendent à Whitehorse le lundi matin, à la première heure. Après la validation du visa, il nous faut obtenir un numéro d'assuré social afin de pouvoir travailler. La facilité des démarches ici est assez déroutante... Pas besoin de compliquer les choses quand elles peuvent être très simples... Nous ne sommes pas habitués à cela mais nous découvrons cet aspect avec grand plaisir. Un douanier nous accueille en français, cela fait tout drôle quand on se trouve si loin du Québec. C'est une obligation dans l'administration ici de servir en français si nous le désirons. Nous n'avons même pas à demander d'ailleurs... Il nous explique que le Yukon pourrait nous ouvrir les bras, qu'il y a du travail à Whitehorse. Mais aussi que les -40/-50°C ne sont pas si pires ici puisque ce n'est qu'un ou deux mois dans l'année. Nous rions ensemble mais lui avouons que nous nous dirigeons au sud car nous aimerions bien que la Colombie Britannique soit notre terre d'accueil pour l'hiver. 

La Colombie Britannique est une province du Canada reconnue dans le monde entier pour ses stations de ski et forcément, pour sa neige d'une qualité exceptionnelle. Un paradis pour les skieurs que nous sommes. Nous qui n'avions plus d'impératif, le mois de novembre arrivant à grand pas vient nous rappeler que les recrutements ont lieu à ce moment-là dans la plupart des stations de ski. Nous avons seulement quelques jours devant nous pour avaler les milliers de kilomètres qui nous séparent de ces superbes terrains de jeu. Whistler Blackcomb recrute 5 jours plus tard et des dizaines d'annonces de travail en tout genre sont publiées sur internet pour cette région. Nous y trouverons bien le job qui nous conviendra lorsque nous y serons, nous sommes confiants ! Mais d'abord, nous avons 2300 kilomètres à faire en 4 jours, le compte à rebours est de nouveau lancé ! Ce ne serait pas si pire en Europe mais ici, parcourir cette distance si vite nous apparaît comme un véritable challenge ! 

Pour ne pas reprendre le même chemin qu'à l'aller, nous décidons d'emprunter la Cassiar Higway comme alternative à l'Alaska Highway. Cette route s'engage davantage au milieu des Rocheuses et nous mène au cœur d'une place encore plus sauvage. Nous avions été bien gâtés en septembre, sur la Alaska Highway, les yeux brillants face au spectacle de tous ces animaux prenant place sur cette scène goudronnée. Fin octobre, la neige légère virevolte sur notre passage et les animaux se sont mis au chaud. Nous imaginons cette route en été, elle doit être merveilleusement belle et peuplée d'animaux paisibles et curieux, regardant passer les nouveaux-venus dans leurs engins motorisés... Malgré la nature qui s'endort, nous faisons tout de même de belles rencontres comme cette mère mouflon et son petit, s'éloignant bien vite de la route en nous laissant le spectacle de leur joli cul blanc... Ou ce beau renard qui, pendant plus de deux kilomètres, longe la route sans se soucier de nos regards admiratifs... 


Et après 4 jours, nous arrivons enfin à Whistler qui reste envahi de mystère puisque nous arrivons de nuit et sous une pluie battante... Nous imaginons tout près cette station et les superbes sommets qui l'entourent. Le lendemain ont lieu les recrutements. Nous devons nous reposer... La file d'attente est au rendez-vous, nous ne sommes pas les premiers. Ceux-ci étaient là dès 5h du matin... Après quelques heures à patienter sans véritablement avancer, on nous annonce que tous les postes sont alors pourvus, tandis que des dizaines de personnes se jettent sur les postes de bénévoles, simplement pour bénéficier du forfait saison gratuit... Nous sommes alors assez déçus et n'avons qu'une chose à faire : retrouver notre fournisseur d'accès internet préféré, commander un hamburger et s'assoir devant notre écran et devant les centaines d'annonces en espérant trouver chacun la notre... 


Nous décidons coûte que coûte de rester à Whistler même si notre première impression n'est pas très bonne. Quand nous regardons le prix d'une simple chambre, nous nous demandons comment nous pourrions rester ici sans trouver tout de suite un travail rentable... Mais courir plusieurs lièvres en même temps, comme essayer de postuler dans d'autres stations de ski à des centaines de kilomètres d'ici, nous ferait perdre du temps et des opportunités. Nous n'avons pas à nous alarmer, nous sommes avec notre Gaillard, les températures sont encore très bonnes. Nous avons effectivement gagné plus de 15 degrés depuis l'Alaska et le Yukon... Nous choisissons alors d'approfondir nos recherches à Whistler. Et notre persévérance finit par nous permettre d'ouvrir des portes. Les portes de jobs intéressants puisque Alexandre est embauché comme photographe pour tirer les portraits des skieurs en action tandis que je masserai leurs corps tout courbaturé... Mais aussi la porte de chez nous puisque nous avons trouvé un studio qui sera notre petit nid pour cet hiver ! Et c'est alors avec grand plaisir que nous déchargeons notre compagnon de voyage, ses chevaux nous remerciant de les laisser courir plus légers. Des années que nous n'étions pas restés sédentaires aussi longtemps, mais cela fait partie des surprises du voyage ! Et nous sommes très heureux d'être là !

Octobre 2014, en direction de l'Alaska, the "Last Frontier"

À l'approche du mois d'Octobre, il s'agit pour nous de rejoindre l'Alaska où mes parents viennent nous rejoindre pour une quinzaine de jours. L'occasion de partager un petit bout de notre voyage et de nos pérégrinations avec nos proches. Comme notre Gaillard est pensé pour 2, ils vont louer à Anchorage un 4x4 avec cellule, type de véhicule que l'on retrouve très souvent sur les routes ici. Nous pourrons nous y retrouver tous les 4 autour d'une table à l'intérieur et au chaud.

En attendant le 1er octobre, date du rendez-vous, nous avons de nouveau un sacré bout de route à faire ! Pour ne pas être trop frustrés, nous décidons d'avoir 10 jours devant nous pour faire les 3500 kilomètres qui nous séparent d'Anchorage. Avec l'expérience de la traversée d'Est en Ouest du Canada, nous choisissons de faire la route sans se mettre le jus ! Et pourquoi pas, si certains jours nous roulons bien, nous arrêter le temps d'une journée ou deux pour faire un peu de montagne ou ressortir le kayak avant que les lacs ne gèlent !

Nous quittons Jasper, en Alberta, bien décidés à revenir crapahuter dans les Rocheuses fin octobre, à notre retour d'Alaska. L'Alaska Highway, LA route qui mène en Alaska, nous invite à la rejoindre mais nous essayons malgré tout de suivre des routes "secondaires". Dès que possible, nous empruntons les pistes que nous pouvons suivre avec notre Globe4x4 800S. Après celles d'Alberta, les forêts de Colombie Britannique sont irriguées d'un sacré réseau de pistes ! Bon, certaines s'arrêtent en impasse au bout de 150 kilomètres, faute d'entretien. L'occasion d'un demi-tour obligatoire, ce qui n'est pas dans les habitudes d'Alexandre !

   
Ça fait beaucoup de kilomètres mais malgré tout, cela nous donne l'occasion de visiter les exploitations pétrolifères et gazières en activité intensive dans le nord de la Colombie Britannique. Chaque piste, chaque impasse dans laquelle nous nous engageons conduit à un forage... Dans ces immenses forêts qui commencent à se tinter de leur robe automnale, nous croisons peu d'habitations mais pourtant une grosse fourmilière est en action 24h/24... Nous croisons ainsi des camions lancés à pleine vitesse, dégageant d'énormes nuages de poussière et de cailloux sur leur passage... Nous ne sommes pas fiers en les croisant et le bas-côté est souvent notre refuge en les voyant arriver !

Dans notre demi-tour, il fait nuit noire et des lumières sur la piste nous interpellent... 3 camions sont arrêtés. L'un a le capot ouvert, l'extincteur est de sortie à côté... En panne ? Un moteur qui chauffe ? Dans ce pays où personne n'est laissé seul sur le bas-côté en situation délicate, Alex décide de s'arrêter et de proposer son aide. L’œil averti, il remarque une durite de liquide de refroidissement qui pisse tout ce qu'elle peut... Un coup de main apprécié par les trois chauffeurs et l'occasion pour Alex de rencontrer Jack, un des chauffeurs, Québécois pure souche ! Maintenant que nous sommes en région anglophone, quel plaisir que de retrouver un bon échange ponctué de tabarnak, d'ostie de câlisse, de christ... Avec de grands points d'exclamation ! 

Une fois que nous quittons les pistes pour retrouver l'Alaska Highway, nous prenons la mesure de la distance qui existe entre les villes. De nombreuses fois, c'est rassurés que nous pensons aux 190 litres de gazole que nous avons en réserve lorsque nous venons de passer à la pompe... Surtout que sur la route, la plupart des stations annoncées ne sont plus que terrains abandonnés à la végétation qui reprend place...



L'Alaska Highway a beau être une route, elle fait aussi partie de cette immense forêt canadienne que nous traversons. Et c'est étonnant à quelle point elle est animée de vie animale ! Sans quitter la route, sans sortir de la voiture, nous voici en pleine sortie naturaliste ! 


Et quel spectacle de faune sauvage non rebutée à fouler le goudron ! Caribous, bisons dans un bain puissant de phéromones, grizzli, orignaux et les plus attachants, maman lynx d'un côté de la route tandis que ses petits l'attendent inquiets de l'autre côté... Et nous, nous sommes au milieu d'eux, admiratifs... 


L'arrivée au Yukon, toujours un peu plus au nord, nous amène à faire une petite pause sur la route. Bien que nous avions d'autres projets et en particulier d'aller crapahuter en montagne, nous devons prendre soin, en priorité, de notre compagnon de voyage à 6 roues. Sans un Gaillard en plein forme, nous ne pouvons continuer le voyage. Après avoir gonflé et nous avoir lamentablement lâchés lorsque les températures ont commencé à baisser à Banff, nous avons décidé de changer les batteries de démarrage pour des batteries "made in Canada" plus fiables, nous l'espérons, pour l'hiver à venir. Une petite fuite de liquide de refroidissement nous alerte un peu, un moteur de vitre électrique qui grille... Chaque jour, notre HJ61 nous fait une petite surprise, nous rappelant ainsi combien il est important de le choyer au quotidien.

Et ce temps de pause à Whitehorse tombe à point. Nous sommes dans la zone idéale pour nous endormir chaque nuit la tête dans les étoiles, le ciel orné de magnifiques aurores boréales !  


Puis, après cet intermède internet-mécanique, il est temps de reprendre la route. Notre rendez-vous à Anchorage approche et nous avons encore beaucoup de kilomètres à parcourir. Une bonne douche matinale et hop ! En route ! Nous avons effectivement découvert que nous sommes plus "chauds" au pied du lit pour savourer l'eau à 35°C alors que l'air est à -5°C en ce moment. Imaginez ce bien-être que nous avons ensuite pour toute la journée !

Nous traversons assez rapidement la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, "The Last Frontier" comme on dit ici en parlant de l'Alaska. Tandis que les kilomètres deviennent des miles, les distances restent considérables. Croiser un Toyota HZJ75 avec, à son bord, un équipage formé d'un couple de jeunes trentenaires, voyageurs et français, comme nous, est alors une sacrée surprise ! Nous nous arrêtons alors sur le bord de la route avec Katia et Ivan pour discuter quelques heures avec grand plaisir de ces belles expériences que nous partageons ! Nous fêtons nous aussi nos "30 ans ailleurs..." Eux se dirigent vers le sud-est tandis que nous allons vers le nord-ouest. Nous espérons les recroiser dans les Rocheuses Canadiennes cet hiver où, eux aussi, vont s'arrêter quelques mois avant de continuer le voyage cap au sud.

1er octobre à Anchorage, mes parents sont bien arrivés. Après un bon "breakfast made in Alaska" pour les mettre au parfum, nous pouvons faire un bout de chemin ensemble sur les routes alaskiennes ! Et grâce au truck camper qu'ils ont loué pour devenir nos partenaires de voyage pendant 2 semaines, nous partons tous les 4 à la découverte de ce fameux 49ème état que nous ne connaissons pas. 


Très vite, en quittant Anchorage, nous retrouvons avec eux les grands espaces. En particulier, le sommet du McKinley apparait, seul, gigantesque devant nous sur la route, du haut de ses 6194 mètres. Malheureusement, dès que le mauvais temps arrive, il a très vite la tête dans les nuages... Le mauvais temps nous apporte, dès le 2ème jour, de la neige, un peu comme un début d'hiver, bien que les températures soient encore bien au-dessus de celles que les habitants connaissent. La nature en est toute transformée en se parant de son doux manteau blanc. Les lacs et les rivières se figent avec le gel, les orignaux viennent trouver quelques brins d'herbe sur le bord de la route vers Fairbanks qui s'est couverte de glace. Nous roulons donc avec vigilance, parfois doublés par des camions citernes à double remorque qui ne s'obligent pas à ralentir, bien habitués à ces conditions.


Il n'est pas encore l'heure d'hiberner, la vie sauvage est encore en pleine activité. C'est le cas du castor qui n'hésite pas à casser la petite épaisseur de glace pour faire son tour du propriétaire tous les matins. De notre côté, tandis que le froid commence à nous faire frissonner, c'est plutôt dans l'eau chaude que nous choisissons de plonger. Se relaxer dans les sources d'eaux chaudes de Chena à 40°C va être pour nous, pendant quelques jours, un doux moyen de savourer cet hiver précoce. 

Nous finissons ensuite notre périple à 4 en prenant la direction de Valdez, par la Richardson Highway, longée par un pipeline qui traverse tout l'Alaska, du nord au sud. Cette route nous offre la vue de paysages magnifiques, riches en sommets enneigés auxquels s'accrochent encore d'énormes glaciers. Et pour notre plus grand plaisir, c'est un vrai festival de pêche au saumon pour les fameux pygargues à tête blanche, les "bald eagles" ou "aigles chauves" comme ils sont nommés ici.  


Tout au long de ces deux semaines, mes parents se laissent porter et se mettent à notre rythme et à nos habitudes de vie simple. En invités attentionnés, ils viennent nous gâter de bons mets de chez eux pour fêter nos retrouvailles et c'est avec plaisir que nous dégustons ensemble petit foie gras arrosé de bon vin. Puis, après les bons moments partagés, il est temps de se dire au revoir et nous reprenons chacun nos chemins de vie... 

Découvrez l'album photo de nos pérégrinations alaskiennes ici

Deux semaines que nous ne nous étions pas connectés et nous retrouvons Anchorage pour écrire et trier nos photos. Notre programme est établi pour 2 ou 3 jours, nous avons un peu de travail. Mais, pour la première fois depuis que nous sommes partis, notre calendrier est vide de rendez-vous. C'est un drôle de sentiment que de se dire "où va-t-on maintenant ?" ou "que faisons-nous ?". Une chose est sûre : c'est dans les Rocheuses Canadiennes que nous allons passer l'hiver et il arrive !

A très bientôt !
Les Galopères

Retrouvez notre site "Le Gaillard Galopère aux Etats-Unis"

Septembre 2014 : Amazing Canada, du Québec aux Rocheuses


La première réflexion que nous nous sommes faite lorsque nous avons pris la route pour traverser le Canada d'Est en Ouest, c'est "wow, que c'est grand !". Vraiment, nous n'avions pas conscience des distances dans cet immense pays. Il faut le vivre pour en prendre la mesure. Ici, les canadiens ne vont pas parler de nombre de kilomètres à parcourir mais plutôt du nombre d'heures de route pour rejoindre une destination. Et c'est donc après 10 jours de route que nous avons rejoint les Rocheuses Canadiennes après avoir quitté Montréal. 

 Retrouvez notre album de notre traversée du Canada, d'Est en Ouest !
Retrouvez notre album de notre traversée du Canada, d'Est en Ouest ici !

Du Québec à l'Alberta, en traversant l'Ontario, le Manitoba et le Saskatchewan, c'est 3500 kilomètres environ que nous avons parcourus, alternant entre routes goudronnées et pistes, mais toujours en direction du soleil couchant. Beaucoup de personnes nous avaient prévenus que l'on a tendance à s'endormir ou à s'ennuyer en traversant certaines régions. Jamais nous n'avons eu ce sentiment. Le parcours nous a offert tout du long de nombreuses surprises : champignons, faune, flore, paysages à couper le souffle... Nous avons eu le sentiment que ce n'est pas la route qui est venue traverser la nature mais que c'est bien la nature qui lui a offert une place... Dans la démesure d'un pays immense, avec des trains de plusieurs kilomètres de long, des camions à double-remorque et des camping-cars bus, c'est toujours la nature qui reste la patronne. D'ailleurs, peut-être que l'homme voyage avec de gros engins pour se sentir moins petit, moins vulnérable dans cette immensité canadienne... 

http://youtu.be/ZwRbTmOOu_g

Petit Dodge Ram 3500 TD 6,7 Litres Cummins... On ne peut que se sentir petit à côté...

Roulant économe et les yeux rivés sur le paysage qui se dévoile au fur et à mesure, nous faisons alors difficilement plus de 400 kilomètres par jour. Nous nous arrêtons toujours avant que la nuit tombe afin de nous trouver un endroit qui va être notre petit lopin de terre pour une soirée. Tous les soirs, nous avons réussi à trouver un lieu idéal pour s'installer au milieu de la nature, sans gêner qui que ce soit. Nous gênerons toujours les moustiques qui nous le rendent bien. Au bout d'un moment, il faut s'y faire et vivre avec leurs horaires. Dès qu'ils arrivent, il vaut mieux que nous soyons douchés et que nous ayons avalé notre repas chaud. Et à l'intérieur de la tente de toit, bien protégés par la moustiquaire, nous pouvons alors admirer certains soirs le ballet des libellules qui viennent se régaler de nos ennemis du jour ! 

Faire beaucoup de route, tous les jours, a tendance à nous rendre nerveux. Une petite pause va s'imposer à la moitié de notre parcours vers l'ouest. Le lac des mille lacs nous offre de bonnes perspectives de navigation et c'est l'occasion pour nous de gonfler enfin notre kayak qui attend depuis bien longtemps son heure sur la tente de toit. Entre l'ancien rameur et la kayakiste solitaire, un petit temps d'adaptation est nécessaire pour trouver le bon rythme pour pagayer efficacement ! Mais se retrouver au beau milieu de l'eau, admirer les battements d'ailes d'un aigle qui s'envole et écouter le clapotis des vagues ont pour nous deux un effet tellement apaisant pour reprendre la route en pleine forme le lendemain. 

Cap à l'Ouest avec Globe4x4 ! Ce jour-là un record : une piste en ligne droite sur plus de 80 kilomètres !

Nous avalons les kilomètres jour après jour. Même si nous nous régalons des paysages que nous traversons, il commence à nous tarder d'arriver quelque part où nous allons pouvoir nous établir quelques jours. Notre destination ? Les montagnes bien sûr ! Nous imaginons que nous les verrons arriver de loin tellement le paysage de plaines du Saskatchewan est sans relief. Mais elles se font désirer réellement sur la fin de notre traversée. 

Les voilà !


Enfin, après 10 jours de route, à 100 kilomètres d'elles, nous voyons apparaître les Rocheuses devant nous. Nous avons décidé de commencer par le Parc National des Lacs Waterton, tout près de la frontière avec les Etats-Unis. L'idée est de les traverser ensuite en remontant vers l'Alaska où notre premier rdv nous attend le 1er octobre prochain. Mes parents nous rejoignent à Anchorage pour partager deux semaines de pérégrinations ensemble et ils vont louer un véhicule sur place. 

Des noms à renommée internationale sonnent dans nos oreilles lorsque l'on parle des Rocheuses : Banff, Jasper... tant de hauts lieux de la montagne qui nous font vibrer et que nous avons hâte de découvrir, en vrai. Lorsque nous nous arrêtons enfin au cœur de ces montagnes, c'est une autre dimension qui s'offre à nous. Pour ceux qui connaissent les Pyrénées et en particulier Cauterets, imaginez des montagnes qui y ressemblent. Mais dans la même vallée que Cauterets, il vous faut aussi y caser Gavarnie et Ordesa tellement ces reliefs sont géants devant nous ! Et quel plaisir que d'envisager enfin d'y crapahuter, nous qui sommes montagnards avant d'être voyageurs. C'est pour nous le temps du décrassage après ces mois de bonne bouffe et d'arrosage houblonné à Montréal. 

Notre première randonnée de décrassage, 25 kilomètres, nous offre de précieux paysages... et de grosses courbatures !

Malgré notre petite expérience de la montagne, l'humilité est de mise dans ces montagnes qui ne sont pas les nôtres et que nous devons apprivoiser. De nombreuses règles sont à respecter et en particulier celles qui concernent la vie sauvage. La région est peuplée d'ours noirs et de grizzlis. Nous découvrons aussi que des couguars sont sur leur territoire ici. Les Rocheuses sont donc des montagnes où faire du bruit est une obligation. Nous croisons très peu de randonneurs sur les chemin que nous empruntons mais bien souvent, ils sont équipés de clochettes qui tintent tout en marchant. L'idée ici n'est pas de faire silence pour avoir la chance de découvrir un animal. Il est impératif de se manifester clairement à la faune pour qu'elle ne soit pas surprise. Ainsi, c'est éviter des comportements dangereux de la part des ours notamment. Pas question que nous soyons croqués ! 

Malgré tout le bruit que nous pouvons faire, nous découvrons encore une fois qu'ici la nature est reine... Les perdrix curieuses s'approchent à un mètre de nous, les écureuils et les petits suisses se manifestent à notre passage. Et nous pouvons observer sans empressement wapitis ou mouflons qui paissent paisiblement. Chaque animal est dans sa place, il n'a pas à fuir devant nous. De plus, si nous prenons les mesures de sécurité nécessaires, nous n'avons pas non plus à en avoir peur. 

On joue à cache-cache ?


Chaque nuit, nous entendons les coyotes qui hurlent dans les prairies de l'Alberta. Les écouter nous fait sourire car nous savons que nous ne craignons rien d'eux. Malgré tout, devoir descendre de la tente la nuit pour aller faire pipi reste une expédition pour nous et nous veillons l'un sur l'autre dès que nous nous éloignons l'un de l'autre dans le noir. 

Notre plus grande peur dans cette si belle montagne restera notre "Death Road" en Colombie Britannique. Elle restera aussi le souvenir de rencontres exceptionnelles dans notre difficulté, preuve que dans ce pays, les personnes sont conscientes de l'importance de s'aider les uns les autres dans ces immensités. C'est avec de la force que nous avons repris la route en direction de Banff où c'est l'hiver qui nous a accueilli ! Épisode hivernal de quelques jours avant l'heure, c'est un bon test pour nous, notamment concernant notre chauffage Eberspächer qui fonctionne comme il faut. Nous pouvons nous réveiller au chaud avec 20 cm de neige sur la voiture et mettre en route le chauffage qui prépare le moteur à démarrer. Même si nos corps doivent s'habituer au froid maintenant, prendre sa douche sous la neige n'est pas encore une partie de plaisir, c'est confortablement que nous prenons nos marques dans nos quartiers d'hiver.  


L'hiver nous accueille à Banff !


La neige ne nous empêche pas de parcourir la montagne et nous savons bientôt que nous pourrons chausser nos skis. Pour l'heure, quelques jours au milieu des bijoux des Parcs de Banff et de Jasper nous attendent encore. Puis il sera temps de prendre la direction du Nord, et en particulier d'Anchorage que nous avons à rejoindre, après 3000 kilomètres de route à travers la Colombie Britannique et le Yukon. 

En attendant la suite de nos aventures, découvrez notre album photo "Au cœur des Rocheuses Canadiennes".

A très bientôt !

Les Galopères

La "Black-Food Road", notre "Death Road" en Colombie Britannique


Tout commence alors le jour que nous appellerons N°1. La journée débute au bord d'une belle rivière à saumon. 


Ce petit havre paisible nous donne envie de faire notre lessive dans la rivière, d'ouvrir en grand nos portes pour ventiler notre petite maison mais surtout de prendre le temps. Dessiner pour moi, faire voler le drone pour Alexandre... Malheureusement, la journée commence par un crash et Alex est vite arrêté dans ses prises de vue aériennes. Rien de dramatique. Mais ce n'est que le début d'une suite de mauvaises passes...

Imaginez une jolie piste dans un cadre bucolique qui se déroule dans une petite vallée sauvage, de kilomètres en kilomètres, parfois traversée de ruisseaux étroits et dociles. La piste commence ensuite à descendre tout doucement pour croiser plus loin une autre vallée. Elle présente la roulabilité et la facilité de circulation d'une autoroute à véhicules tout-terrain... 


Ça, c'était avant le printemps 2013... La fonte des neiges, de grosses pluies ont alors gonflé tous les cours d'eau et les gens du coin se rappellent de dégâts jusqu'à Calgary... Comme dans les Pyrénées il y a un peu plus d'un an maintenant, les jolis ruisseaux tous doux sont devenus de véritables torrents destructeurs. Ce qui n'était qu'un petit lit à traverser est devenu un paysage complètement raviné, un amoncellement de roches et de morceaux de bois... 

Et c'est là que tout continue pour nous. Nous vivons notre première difficulté de la journée. Complètement posé sur l'arrière, la roue avant droite en l'air, notre Gaillard ne trouve plus d’adhérence pour grimper ce tas de cailloux... 




Mais nous arrivons à sortir notre 61 de ce mauvais pas à la fin du jour. Cette difficulté franchie, notre joie explose de s'être tiré tous les deux de ce tas de cailloux. Nous savons toutefois que nous ne pouvons plus retourner en arrière maintenant. Non seulement parce que nous n'avons pas assez de gazole mais surtout parce que nous ne pouvons plus faire demi-tour compte tenu de l'état du mauvais pas que nous venons de passer. Il est alors plus de 6 heures du soir, nous avons passé plus de 3 heures à nous sortir de là et nous sommes épuisés. Nous avançons un peu sur la piste pour nous trouver un endroit plat où nous pourrons ouvrir la tente et dormir avant de continuer dans la vallée qui descend. 

Cette vallée, on la regarde maintenant du fond en se disant que l'on n'est pas les bienvenus... Des sommets acérés de chaque côté nous regardent avec sévérité de leur plus de 3000 mètres de haut. Des brumes froides commencent d'ailleurs à traverser les cols pour descendre vers nous et nous envelopper. 


Nous trouvons très vite un endroit plat pour y passer la nuit... Mais ce n'est pas un choix. Tandis que nous descendons un peu sur la piste, nous voyons apparaitre devant nous un nouveau désastre d'un torrent violent. Il reste à cet endroit un pont en bon état, mais pour l'atteindre, un nouveau champ de rocs et de trous mais que nous ne pouvons pas traverser sur le moment. A première vue, un petit passage a été fait de la largeur d'un quad. Malheureusement, nos 1m80 de large ne nous permettent pas de prendre ce chemin délicat, d'autant plus qu'il est un peu déversant. Et la marche sur le flan n'est pas petite... Après constat de l'état de la voirie, Alexandre me rassure de suite : nous allons juste devoir pelleter une heure ou deux le lendemain pour aplanir le passage délicat et l'élargir suffisamment. Une fois le chemin sécurisé, notre Gaillard devrait passer sans problème. Donc pour commencer, nous décidons de dormir cette nuit en amont de la difficulté, prêts à en découdre le lendemain avec le terrain à grands coups de pelle.


Jour N°2 : A la première heure, après un bon petit déjeuner pour nous donner des forces, nous sommes prêts pour l'action. Nous voici alors reconvertis dans le service de voirie canadien ! Effectivement, efficaces nous sommes et un peu plus d'une heure après, notre HJ61 passe sans problème. Nous sommes heureux et soulagés d'avoir surmonté du premier coup cette nouvelle difficulté. La journée commence bien. 

http://youtu.be/jsxsPfimE2k


Malgré tout, malgré l'optimisme et presque l'euphorie suite à ces franchissements qui se terminent bien, nous ne perdons pas de vue que nous allons peut-être avoir de nouvelles surprises devant nous par la suite. Ce que nous ne savons alors pas, c'est que ces difficultés de passage ne vont faire qu'empirer par la suite jusqu'au point de devoir abandonner notre Gaillard en mauvaise posture pour aller chercher de l'aide dans cette nature hostile de la Colombie Britannique. 

Notre premier plantage la veille nous avait permis d'être réellement réactifs dans la recherche de solutions et dans la prise de décision pour se sortir du merdier. Les roues dégonflées pour augmenter la surface de contact sur les cailloux et ainsi favoriser l'adhérence. Les roues de secours, normalement fixées sur le pare-choc arrière, sont bien accrochées à l'avant pour limiter le poids de l'arrière-train du 4x4 et faire contrepoids en augmentant le poids à l'avant. Les plaques de désensablage de sortie, sangles et hi-lift utilisé comme tire-fort... 


Malgré la difficulté qui empire à chaque nouveau passage, nous arrivons à trouver assez vite une solution. Sans casse mais non sans angoisse, Alexandre prend le volant, met la courte et en avant, tandis que je le guide pour qu'il puisse positionner les roues correctement. 



Les marqueurs kilométriques le long de la piste qui descend diminuent progressivement du 56ème kilomètre au 48ème et nous évoluons régulièrement. Mais peu avant le 45ème kilomètre, le trou béant qu'à creusé le torrent l'année précédente semble infranchissable. A cran, suite à cette accumulation de situations délicates, j'explose ! Là ça en est trop ! Nous ne pourrons jamais passer ! Le chemin taillé que seul un quad peut prendre est bien étroit même si l'on veut creuser le flan de l'autre rive. Le scénario d'Alexandre au volant de notre compagnon de voyage s'engageant sur cet unique accès et basculant sur le côté dans le trou béant de 5 mètres défile dans ma tête comme un mauvais film... Non, ce n'est pas possible, cette montagne ne veut vraiment pas de nous ! Et pourtant c'est elle qui nous retient alors en son sein alors que nous ne voulons qu'une chose : nous sortir de cette vallée pour de bon ! Et pourtant, dans un nouveau sursaut d'optimisme, nous creusons quand même quelques heures de manière à élargir le passage et en faire un semblant de piste, tout juste large de 1m80... La largeur de notre Toyota à peine... 

Nous rapprochant au maximum du passage délicat, nous arrivons à maintenir l’arrière-train de notre Gaillard à l'aide d'une sangle et du Hi-Lift, tous deux fixés à un solide sapin au dessus et au pare-choc. Il est alors en sécurité et nous pouvons tout décrocher. Par contre, une tentative de montée fait basculer une roue en zone instable, sur le bord de la pseudo-piste. Nous n'avons alors plus qu'à y fixer la sangle et à l'aide du Hi-Lift essayer de remonter l'avant pour le mettre en place sûre. Tout doucement, à coups de cliquetis réguliers, nous essayons que tout soit dans l'axe mais plusieurs fois, tout semble nous échapper et reste toujours en tête le scénario catastrophe qui peut arriver si vite. 


Nous sommes alors loin d'être sortis de là et il se met alors à pleuvoir. De plus, avec la position de notre 61, le cul en arrière, l'arrivée de gazole ne se fait plus... Le coup de la panne... C'est plus que confirmé : nous allons faire une connerie si nous continuons comme ça tous les deux... Nous manquons de matériel, notre compagnon de voyage est en posture dangereuse... Rien de pire que de devoir abandonner en l'état le navire, mais nous devons trouver de l'aide sinon il restera dans cette montagne ça c'est sûr... 


Nous partons comme si nous ne pourrions pas revenir avant plusieurs jours... Il est 3 ou 4 heures de l'après-midi, nous savons quelle direction prendre et nous savons que nous allons devoir marcher longtemps car il est possible que nous ne trouvions pas âme qui vive avant un moment. Nous chargeons notre sac à dos de nos doudounes pour le froid, de toutes les barres de céréales que nous avons en stock et de toutes les lampes que nous pouvons emporter avec nous. Bien sûr, notre compagne depuis quelques jours déjà est embarquée avec nous d'office : la bombe à poivre pour se protéger des ours... Et nous voici côté à côte à marcher, en silence, sous notre parapluie qui nous protège un peu de la pluie battante... La nuit qui ne va pas tarder à tomber ne nous rassure pas tellement car nous sommes quand même au pays des grizzlis et des ours noirs. Nous suivons la piste à l’instinct en espérant ne pas faire de mauvaises rencontres.

Nous constatons en marchant qu'il n'y a plus par la suite de réelle difficulté sur la piste. Quelques passages ne sont pas très jolis mais nous ne trouvons rien de bien méchant par rapport à ce que nous avons réussi à passer, ce qui nous rassure malgré tout. En même temps, notre cœur se serre en pensant à notre Toyota abandonné. Au 39ème kilomètre, nous découvrons un pont. Le torrent a creusé une brèche entre la piste et le pont mais installer deux planches suffiront à traverser le vide. A cet endroit même, de nombreux panneaux indiquent que la route est fermée... Malheureusement, c'est de l'autre côté de la vallée que nous nous sommes engagés et rien n'était indiqué... 

Nous allons faire 16 kilomètres à pied sur la piste avant de trouver un campement. Arriver sur une piste qui semble régulièrement fréquentée, entendre un hurlement de chien et apercevoir des installations est un intense soulagement. Nous rencontrons alors Glen à qui nous expliquons notre trouble. Malheureusement ici, c'est un campement pour l'été et personne n'est équipé de pioches, de pelles et de système de levage qui nous permettraient de sortir notre Gaillard de cette foutue montagne... Une solution que nous soumet Glen : descendre à 35 kilomètres de là, à la petite ville la plus proche où nous pourrons contacter une personne compétente pour ce genre d'intervention. Glen se propose de nous descendre. Nous voyant épuisés après cette journée éprouvante, il s'empresse de nous apporter des cannettes de Canada Dry frais, de pommes et de barres de céréales réconfortantes. 

A Canal Flats, il est 20 heures quand nous arrivons. Glen saisit un annuaire et nous trouve les coordonnées d'une entreprise spécialisée dans le treuillage. Les mettant au courant, nous n'avons plus qu'à les re-contacter le lendemain pour s'organiser avec eux. Puis, il nous dépose sur le seuil d'une chambre d'hôte et comme il doit repartir vers son campement, nous le remercions chaleureusement. Le propriétaire doit venir nous ouvrir une demi-heure après. Nous aurons donc un toit pour la nuit tandis que la pluie ne faiblit pas... L'idée d'une nuit au chaud fait naître en nous une sensation de douceur mais tellement fragile car nos pensées restent vers la montagne malgré tout.

Karl, le propriétaire de la chambre d'hôte, arrive avec un peu de retard. Tandis qu'il nous ouvre les portes de notre refuge pour la nuit, il nous offre une oreille attentive lorsque nous lui expliquons notre situation. Pour s'excuser de son retard, il nous tend la bouteille de vin qu'il tient dans sa main et avec beaucoup de douceur nous conseille de nous reposer et de nous accorder une pause, comme si tout ne pouvait aller que mieux ensuite... Marvellous Adventures est le nom du vin... Ironie du sort, il nous aidera au moins à dormir un peu, peut-être... La nuit qui suit est épouvantable malgré cette énorme couette de duvet qui nous enveloppe tous les deux. Ni l'un ni l'autre ne pouvons dormir tellement les idées fusent dans notre tête. Et cette pluie qui ne cesse de tomber toute la nuit... 

Jour N°3 : Le jour commence... avec la pluie toujours... Comme convenu, nous prévenons la société de treuillage pour lui expliquer de nouveau notre situation. Une personne doit nous rejoindre à la chambre d'hôte, au moins pour lui montrer les photos que nous avons prises avant de quitter notre Gaillard et d'évaluer la faisabilité d'un plan. Karl nous rejoint pour que nous lui réglions la nuit et c'est là que la situation nous échappe alors... Vous connaissez ce sentiment lorsque ce n'est plus vous mais que c'est une personne qui prend en main votre situation ? Et bien là, Karl est alors particulièrement concerné, comme si lui aussi avait réfléchi toute la nuit. Il échange quelques idées avec la personne sensée nous dépanner. Malheureusement son camion est trop gros pour grimper là-haut. Cela reste toutefois une option et Karl nous embarque alors avec lui dans son gros pick-up Chevrolet. Dans la rue attenante, un groupe d'ouvriers sont en train de travailler à creuser autour d'une maison. Cette ville est à taille humaine et tous se connaissent. Karl pose une option avec eux pour faire monter une pelle si besoin. Le chef des ouvriers garantie alors que s'il y a besoin de bras en fin de journée, ils pourront monter nous aider. 

Il nous expose alors son plan : remonter ensemble là-haut mais surtout avec Dave qu'il nous présente comme étant un "vrai cow-boy du far-west avec un cœur d'or". C'est aussi une personne qui connaît ces montagnes mieux que personne. Nous partons à sa rencontre et il correspond exactement à la description de Karl. De plus, Dave situe exactement où nous sommes et lorsqu'il comprend que nous y sommes arrivés par l'autre côté de la vallée, il exprime un "wow" et nous fait comprendre que nous avons été très bons d'arriver jusque là... Karl et Dave parlent vite et notre anglais n'est pas assez bon pour comprendre tout du plan qu'ils échafaudent mais tout d'eux reflètent le fait qu'ils ont la situation en main. 

Un heure plus tard, nous repartons à 5 pour la "Black-foot Road" : Alex et moi bien accompagnés de Karl, Dave et Corey, lui même qui a créé les passages en quad sur cette maudite piste fermée. Karl a emporté son fusil et nous confie que là où nous sommes descendus à pied la veille est un coin qui regorge de grizzlis, de couguars et même de loups... Nous avons eu énormément de chance de n'en croiser aucun... A deux véhicules, nous arpentons la piste jusqu'au kilomètre 45. Dave et Corey, avec une efficacité impressionnante, sortent les pioches dès qu'un passage mérite d'être raboté un peu. Puis c'est au tour de la tronçonneuse de gronder dans la montagne dès qu'un tronc ose montrer le bout de son nez sur le bord de la piste. Et voici qu'enfin nous arrivons à l'endroit fatidique...


Un soupir de soulagement sort de nos poitrines lorsque nous découvrons notre Gaillard dans la même posture que la veille. Elle est toujours mauvaise mais elle n'a pas empiré. Ce que mettent ensuite en place Karl, Dave et Corey ne laisse pas l'ombre d'un doute et d'une hésitation s'immiscer. Pioches et pelles permettent d'élargir encore un peu la piste. A 5, tout avance beaucoup plus vite. Ils installent ensuite des planches au bord du vide, dans la longueur du passage délicat, les roues sont mises dans l'axe tandis qu'un tire-fort permet de le fixer aux deux arbres au-dessus. 







Ainsi, tout doucement, le 4x4 GMC de Dave en place devient ancrage pour tracter tout doucement, très doucement notre Toyota vers l'avant. Pendant ce temps, en fonction de son avancée vers le haut de la pente et en fonction du risque, sangles, tire-fort et Hi-Lift aident à retenir notre 61 pour lui éviter le dérapage dans le vide si présent. Jusqu'au bout en haleine, jusqu'au bout notre sort dans leurs mains expertes et expérimentées, nous retenons notre souffle tout en essayant de les aider au maximum. Et c'est au bout de 2 heures seulement que notre compagnon de route, notre maison, retrouve la sécurité sur ses 4 roues...


Dave et Corey repartiront chez eux tout aussi discrètement qu'ils sont rentrés dans notre vie, sans accepter le moindre remerciement. Pour eux, c'est normal de nous être venus en aide... Nous nous accordons une nouvelle nuit dans la chambre d'hôte de Karl, pour nous remettre de nos émotions. Nous le retrouvons le lendemain, les bras chargés de bouteilles de vin pour remercier ces 3 "very good guys"... Karl nous exprime alors qu'il a été très heureux de nous venir en aide et que notre rencontre a été un bon "karma". Quant à Dave et Corey, lorsque Karl est allé leur apporter le vin, c'est de la surprise et de la gratitude qu'ils ont exprimé... Amazing Canada... 

Quant à Glen, nous sommes remontés bien sûr à son campement pour boire cette bière que nous avions promis de partager avec lui si nous sortions notre Gaillard de ce mauvais pas. Glen, sa femme, ses 2 beaux-frères et ses 3 belles sœurs nous ont accueillis pour partager une soirée mémorablement belle et joyeuse. Nous les retrouverons cet hiver ! 



Et pour terminer l'histoire en détente, sachez que nous avions pris cette piste dans l'idée de nous délasser dans les eaux sulfureuses des sources d'eaux chaudes que l'on trouve dans la région. Nous devions y arriver sans problème le soir du premier jour... Et c'est jour 4 que nous nous glissons dans ces eaux thérapeutiques pour nos courbatures et le stress de ces journées éprouvantes !